
5 expressions québécoises qui veulent tout dire
Y’a quelque chose de magique dans le langage québécois. C’est pas juste des mots, c’est de la vibe, du non-dit, des émotions condensées dans une formule aussi courte qu’un texto d’adolescent fâché. On a des phrases ici qu’on lance comme des pucks de hockey, mais qui, selon le ton, peuvent vouloir dire : « je t’aime », « va chier », ou « j’suis en train de vivre une crise existentielle, mais j’ai plus de vin ».
Alors j’te propose une petite virée linguistique dans notre merveilleux coin de pays où une expression peut résumer toute une époque, une relation ou un mardi matin au Tim Hortons sur le boulevard du Saguenay.
1. « Ben là, tu m’niaises. »
5 mots. Aucun effort. Et pourtant, ça dit tout. « Ben là, tu m’niaises », c’est la réaction officielle du pe
uple québécois devant l’injustice, la stupidité ou le fait que le gars en avant de toi à l’épicerie sort son petit calepin bleu Loto-Québec.
Tu peux l’utiliser dans mille situations :
- Quand tu t’aperçois qu’il n’y a plus de ketchup dans une fête d’enfants : « Ben là, tu me niaises. » Comment tu fais pour gérer les 8 enfants qui en mettent dans leur rotteux/frites/cheveux sans perdre ta santé mentale ?
- Quand tu vois le prix d’un bloc de fromage à l’épicerie pis que c’est rendu l’équivalent d’une mise de fonds sur un condo. « Ben là, tu m’niaises. » J’ai-tu vraiment besoin de lire 3 livres de Pierre-Yves McSween pour être en mesure de me faire un grilled-cheese ?
- Quand tu fais la file au McDo pis que la personne devant toi découvre le menu… comme si c’était un roman de Patrick Sénécal. « Ben là, tu m’niaises. » Ça fait 30 ans que c’est les mêmes croquettes, Ginette, pas obligé de te partir un club de lecture ici.
C’est l’expression passe-partout par excellence. Ça vaut pas grand-chose dans un débat politique, mais ça fait des merveilles dans une chicane de couple. Un « Ben là, tu me niaises » bien senti vaut son pesant d’or de découragement.
2. « C’est correct. »
Attention, zone de danger. Surtout dans ma chaumière. Souvent contracté en « C’correct », le « c’est correct » québécois n’est pas toujours… correct. T’as 20 % de chance que ce soit vrai. Le reste du temps, ça veut dire :
- « J’te pardonne pas, mais j’ai pas l’énergie de te le dire. » Ou comme j’aime l’appeler, le « Crise à venir mais je suis pas prête sur le discours ». C’correct, on change de sujet.
- « J’ai envie de pleurer dans mon char, mais j’ai une fierté à maintenir. » Ravale tes larmes en gueulant du Céline, ça va passer, c’correct.
- « J’ai mangé ta dernière pointe de pizza pis j’ai pas de remords. » C’correct, j’vais mettre des punaises dans ta taie d’oreiller cette nuit.
Tu le reconnais à l’intonation. Si la personne regarde ailleurs, serre les dents ou croise les bras : c’est pas correct.
3. « À cause han ? »
Courte phrase ayant pour but de déstabiliser l’autre afin qu’il comprenne la stupidité de son discours. Un bon « À cause han ? » bien sarcastique et passif-agressif te donne le point de la conversation direct.
- Quand ton ami choke à la dernière minute parce qu’il veut se reposer d’une semaine de télétravail : « À cause han ? »
- Quand ton collègue refuse de fermer la fenêtre pop-up du PowerPoint parce qu’il dit que ça va briser le fichier : « À cause han ? »
- Quand ton cousin te dit qu’il n’utilise pas de crème solaire parce que c’est pas naturel mais qu’il tient un hot-dog extra moutarde-mayonnaise : « À cause han ? »
« À cause han ? », c’est le grand frère sarcastique de « Ben là, tu m’niaises ». C’est le petit regard de coin dans une phrase. Tu veux pas l’entendre, parce que si tu l’entends, c’est que t’as probablement dit quelque chose d’assez cave pour mériter une claque en virant.
4. « Ben voyons donc ! »
Marquant l’inimaginable, le petit bout de phrase « Ben voyons donc ! » pourrait facilement être remplacé par un sacre du type « Ben voyons esti ! » qui signifie que t’en reviens pas de ce que tu entends ou de c’qui s’passe.
- Quand tu pognes un énorme spécial chez Métro sur le poulet pis que t’arrives dans le tombeau et y’en reste pu un : « Ben voyons donc ! »
- Quand ton voisin décide que le samedi 8 h 30, c’t’une belle heure pour tondre ses haies qui font office de clôtures entre les terrains : « Ben voyons donc ! »
- Quand ta cousine Lucille affirme que la Terre est plate et que les avions c’est truqué : « Ben voyons donc ! »
Le « Ben voyons donc ! » est couramment utilisé pour montrer ton découragement. Peut facilement être combiné avec un « Tu m’niaises-tu ? » avec un petit « criss » entre les deux.
5. « T’es-tu en crisse ? »
C’est pas une question pour savoir si tu vas bien. C’est un baromètre émotif.
Tu peux être « un peu en crisse », « ben en crisse » ou « en crisse solide ».
Y’a des niveaux. Je ne suis pas une scientifique, mais on pourrait faire un tableau avec ça pis le mettre dans les hôpitaux.
- T’as brûlé ta lasagne maison après 2 h de préparation : en crisse. J'ai faim, j'mattendais à un petit bout de pâte pis de fromage mais à la place je suis obligé de manger des toasts.
- Le gars en avant de toi roule à 40 dans une zone de 70 : ben en crisse. Attend pas que ta mère débarque et vienne te pousser, ELLE VIENDRA PAS!
- T’as payé pour une machine à Slush Ninja 100 $ sur Marketplace pis t’arrives chez vous et elle marche pas pis le vendeur t’a bloqué : EN CRISSE SOLIDE. (pis c'est pas moi qui va t'juger)
En conclusion
Les expressions québécoises, c’est pas juste des mots. C’est un mode de vie. Une façon de ventiler, de rire, de passer au travers du stress, de la neige pis des 14 côtes de ta ville qui sont toujours en construction. C’est comme du sirop d’érable : sucrées en surface, mais capables de colmater n’importe quel trou émotif (ou relationnel). On s’en sert pour survivre à l’hiver, au prix du fromage, aux chicanes de couple, pis aux vendredis trop longs.
C’est pas pour rien qu’on peut dire « T’es-tu en crisse » avec autant de tendresse qu’un « Je t’aime »… faut juste pogner la bonne intention.
Fait que, la prochaine fois que quelqu’un te sort un « À cause han ? » dans une discussion, sache que tu es à 2 secondes d’avoir l’air un peu cave. Et ça, ben des fois, « c’correct ».
À bientôt peut-être! Pis d'ici-là, prend soin de ton dedans!
Tourlou là!
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Commentaires
Tu vas toujours me surprendre.
Bin voyons donc, tu es une championne de l’écriture.
Bin là tu m’niaises, c’est correct je l’accepte tu es meilleur que moi.
A cause han?
Ne t’inquiète je ne suis pas en crisse.
Je suis seulement fière de toi.
🥰😘
C’correct 🤣
Ben voyons dont... ben beau ça ! 😂